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Le leadership féminin
dans l’industrie automobile : entrevue avec trois femmes inspirantes

Le 25 avril dernier, lors de la Rencontre au Sommet, était au programme un panel de discussion mettant en vedette des participantes du programme accélérateur de femmes dans l’industrie automobile de la Banque Scotia. Mesdames Nathalie Aumont, Camille Riendeau, ainsi qu’Emmanuelle Verreault en étaient les invitées.

Marie-Soleil Michon, qui était le maître de cérémonie lors de l’évènement, a animé cette rencontre fort intéressante dont le but était de mettre à l’avant les femmes dans le domaine automobile bien sûr, mais surtout les changements et l’évolution de leur industrie au cours des dernières années en plus d’aborder leur vision d’avenir.

 

Nathalie Aumont est propriétaire et présidente de Joliette Toyota. Nathalie a obtenu un Baccalauréat en Relations industrielles à l’Université de Montréal dans le but d’être directrice des ressources humaines, mais l’appel de la relève et du monde de l’automobile a été plus fort.

En effet, il y a plus de 30 ans, elle a pris la relève de l’entreprise familiale au cœur de laquelle ses parents œuvraient depuis 1977. Dans un avenir rapproché, elle passera d’ailleurs le flambeau à la prochaine génération, c’est-à-dire son fils aîné, Frédéric. Elle est également très impliquée dans des organismes humanitaires, d’éducation et culturels de sa région ainsi que dans l’industrie automobile avec la CCAQ et Toyota.

 

Emannuelle Verreault est vice-présidente du Groupe Maison de l’Auto qui regroupement 7 concessions automobiles. Emmanuelle assure la relève de son père avec son frère Pierre-Luc, sa sœur Karine ainsi que quatre autres associés.

Le bien-être des tous les membres de l’équipe est une valeur très importante dans son entreprise et il est impératif de traiter chaque personne comme un membre de la famille. Emmanuelle est également impliquée tant dans sa communauté via divers C.A., qu’au niveau de sa corporation régionale depuis plus de 10 ans.

 

Camille Riendeau est directrice Générale chez Riendeau Hyundai. Camille a fait ses débuts dans l’automobile en 2008 comme réceptionniste pour dépanner son père le temps de quelques semaines.

Les semaines se sont transformées en années pour finalement devenir aujourd’hui directrice générale. C’est avec fierté qu’elle et son frère suivent les traces de leur père dans ce milieu aussi passionnant qu’est l’automobile.

 

Selon vous, qu’est-ce que l’arrivée d’un plus grand nombre de femmes, notamment dans des postes de direction, a changé/apporté dans l’industrie et dans ses pratiques? 

E.V. : À savoir ce que nous avons de différent comme façon de faire? Je dirais : rien. Dans le sens où je ne veux pas féminiser mes façons de travailler ni d’embaucher. Si tu es compétent, on va t’embaucher point. Nous avons fait un calcul rapide mon frère et moi et nous sommes à environ 35 % de femme dans notre concession. Mais je ne travaille pas à avoir plus de femme, on cherche plus à travailler sur notre adaptabilité : est-ce qu’on peut être plus flexible sur les horaires de travail par exemple? C’est la clef pour retenir notre personnel et aller chercher une main d’œuvre compétente.

N.A. : Même chose chez nous, nous sommes à 30-35 % de femme aussi. Mais on ne force pas pour embaucher des femmes ; ce sont elles qui se présentent et on les évalue selon les compétences, exigences, attitudes et aptitudes nécessaires pour le poste. Et si elles répondent aux critères, on les accueille dans notre équipe. Il nous est même déjà arrivé de penser : je ne peux pas encore engager une femme! (rires). Il y a 34 ans, des femmes au département de service il n’y en avait pas. Les hommes ne voulaient pas se faire servir par une femme. Aujourd’hui, dans les concessions, ce n’est pas rare de voir des femmes sur le plancher et leur l’approche, peut-être plus raffinée, est appréciée. Aussi, au niveau des clients, homme et femme entrent dans nos entreprises. Et si les femmes viennent de plus en plus au département de service, donc ça veut dire qu’on sert bien tout le monde, peu importe.

C.R. : Je suis du même avis que Nathalie et Emmanuelle. Je ne veux pas catégoriser les choses, que ce soient des métiers ou autre. C’est générationnel, nous pouvons tous faire ce que l’on veut. Homme ou femme, nous avons tous des aptitudes. Bonnes comme mauvaises.

N.A. : C’est agréable d’entendre Camille. Ça me rassure. À l’époque c’était très différent, il y avait peu de femme. Mais je ne voulais pas être traitée différemment. Je voulais être « one of the gang ». Je ne suis pas une exception.

E.V. : L’industrie a évolué et on le sent moins cette différence entre les hommes et les femmes. Plus ça va, plus c’est facile pour les femmes. Les pratiques ont changé et c’est tant mieux!

 

Mesdames, vous êtes toutes impliquées à haut niveau dans vos organisations, j’aimerais savoir, quelles sont les transformations que vous voyez ou que vous souhaiteriez voir pour faire évoluer l’industrie automobile au Québec?

N.A. : J’ai un désir de transparence. Ça part d’en haut et ça découle sur le bas. Il faut que ça se communique jusqu’en bas, les gens sur le plancher. La direction a une belle vision, de belles aspirations, mais ça ne se rend pas toujours en bas. J’œuvre dans une petite communauté ( Joliette ) : je vis ici, je vais au restaurant ici, je fais mon épicerie ici… je veux être en mesure de regarder les gens dans les yeux, être fière de ce que j’ai bâti et non pas me promener avec un sac de papier sur la tête.

E.V. : Au Lac St-Jean, nous avons vécu un gros conflit de travail qui a duré longtemps. Ce conflit a eu un impact incroyable sur les relations de travail. L’expérience employé a complètement métamorphosé nos concessions. On a retrouvé un niveau d’esprit d’équipe qui s’en ressent sur le plancher et dont les clients bénéficient. Transparence et plaisir sont au rendez-vous. Cette évolution là doit continuer et je souhaite changer le modèle d’affaire de nos concessions. Les manufacturiers sont plus conservateurs. Malgré les 2 belles dernières années, le naturel revient vite au galop et il faut revenir à ces pratiques de gestions plus saines pour nos équipes et nos clients.

C.R. : Malgré mon peu d’expérience, j’ai toujours souhaité voir naître un concept de prix unique afin de permettre au client de se sentir sur le même pied d’égalité que son voisin qui magasine le véhicule semblable dans une autre concession. Cela permettrait d’enlever une bonne pression aux équipes de vente ainsi qu’aux consommateurs.

Le fait d’avoir des femmes en concession, quel impact ça a sur l’expérience client féminine, est-ce que vous voyez une différence à ce niveau-là?

E.V. : Oui, je pense que certaines sont peut-être moins à l’aise parce qu’elles ne connaissent pas beaucoup l’automobile, donc elle se sentent rassurées de pouvoir transiger avec une femme.

C.R. : Le fait d’avoir des femmes sur le plancher en rassurent certainement! Sans faire affaire directement avec l’une d’entre elles, le fait de noter leur présence, ça change quelque chose, oui.

N.A. : Il y a une différence avec l’approche et les détails. Cela ne veut pas dire que les hommes n’ont pas ce souci du détail, mais la femme incarne davantage le raffinement, les petites attentions, etc. autant envers les clients que leurs collègues d’ailleurs.

Comment adaptez-vous vos stratégies pour attirer et fidéliser la main-d’œuvre féminine dans vos entreprises?

N.A. : Il faut comprendre une ; la pandémie a changé bien des affaires, mais avant, les concessions étaient ouvertes du lundi au vendredi de 9h à 21h et les samedis par la suite se sont ajoutés. Donc pour une femme qui avait une famille, c’était tout qu’un défi ! Personnellement, j’ai eu 2 enfants et je vous dis que je n’ai pas pris un 6 mois ou 1 an de maternité. Je le dis à la blague, mais mon fils est né sur un moteur ! ( rires ) Il faut donc travailler sur la flexibilité, l’ouverture d’esprit et trouver des solutions ensembles. Il faut communiquer. Il faut être créatif. J’ai toujours donné à mes employés de la latitude et ils ont comblé plusieurs postes au sein de l’entreprise. Cela nous a donc permis de mieux s’organiser.

E.V. : Mais il faut aussi déconstruire ces paradigmes. Nous ne sommes pas le seul domaine avec ce genre d’horaire. Les infirmières par exemple : elles travaillent les soirs et les fins de semaine. Ce n’est pas vrai que c’est propre à notre industrie. Il faut innover et observer ce qui se fait sur le marché afin d’offrir des conditions agréables pour garder nos employés et aller chercher de la main d’œuvre intéressante. Il faut se renouveler constamment.

C.R. : La clef c’est de bien s’entourer et parler de l’industrie de l’automobile. J’ai accueilli un jeune passionné pour une journée d’un stage dans notre concession et il me confiait que toute sa famille le décourageait d’aller dans ce milieu parce que pour eux, ce sont tous des gens malhonnêtes. Il faut donc redorer l’image de notre industrie : ce ne sont plus des heures à ne plus finir. Il y a un souci avec la garderie ? Amène ton enfant on va s’organiser, etc. Il faut travailler ensemble.

Qu’est-ce que vous observez de différent dans la clientèle 2023 de femme?

C.R. : Je dirais que les femmes aujourd’hui sont très assumées.

N.A. : Et quand il arrive un couple, il y a 30 ans, on parlait à l’homme, au mari. Aujourd’hui, ça ne se fait pas.

E.V. : J’abonde dans le même sens que Camille et j’ajouterais à ce que Nathalie dit, la femme fait partie intégrante du processus décisionnel. Les décisions aujourd’hui se prennent en couple.

J’aimerais ouvrir la discussion avec les gens présents. Si vous avez des questions ou des commentaires, il serait intéressant de les entendre.

Sylvie Gagnon, fondatrice du programme accélérateur 

Merci aux femmes qui ont participé à ce panel de discussion et à celles qui sont aussi, dans la salle, participé au programme accélérateur.

Je tenais à revenir sur un point. Emmanuelle, quand tu dis ça n’a pas changé ou apporté quelque chose dans l’industrie d’être une femme dans une position de leadership, je ne suis pas d’accord. Dans vos concessions, vous avez 35 % de femmes, mais la moyenne est d’à peine 10 %. Pourquoi vous pensez ? C’est parce que vous avez des femmes à la tête de vos entreprises. Le leadership féminin attire le leadership féminin.

Hier, on parlait d’avancement et de structure dans nos concessionnaires automobile. Est-ce que nos concessions reflètent notre clientèle ? Je parle de femme en automobile, parlons aussi de diversité : si nos concessions ressemblaient davantage à notre clientèle, peut-être qu’un plus grand pourcentage de gens auraient une meilleure confiance envers notre industrie.

Le but du programme femmes en automobile était de créer un réseau de contact au féminin, d’avoir un programme de mentorat pour mettre ces femmes intelligentes, brillantes, engagées et passionnées de l’avant. Je crois que parler d’elles encouragera d’autres femmes à intégrer le domaine de l’automobile. À croire en leur possibilité et croire qu’elles peuvent faire une carrière en automobile. Merci à toutes celles qui sont assises ici, car elles font avancer l’automobile au Québec.